Arlette Jouanna et le pouvoir absolu

À l’occasion de la publication de ma recension de Le Prince absolu, de Arlette Jouanna, dans le dernier numéro des Cahiers d’histoire, je me propose aujourd’hui de faire un double microrésumé. Ayant fait des comptes-rendus de Le Pouvoir absolu et de Le Prince absolu en 800 mots chacun, je compte aujourd’hui les résumer de mémoire, en un total de 600 mots.

Le Pouvoir absolu s’articule autour de l’histoire d’une expression, le « pouvoir absolu », qui est étroitement liée à l’histoire de la monarchie en France. En faisant l’histoire de cette expression, Arlette Jouanna montre quand et comment la monarchie française est devenue ce que nous appelons aujourd’hui une « monarchie absolue ». Les souverains de la Renaissance se pliaient à l’exercice de la vérification de leurs édits par le Grand conseil et les cours souveraines. Les magistrats chargés d’effectuer cette vérification tenaient leur tâche en haute estime, ils y voyaient un véritable sacerdoce divin, partagé avec le monarque. À cette époque, l’expression « pouvoir absolu » désignait un pouvoir d’exception, la possibilité pour les souverains de passer outre la vérification pour faire appliquer leurs édits, généralement en raison de l’urgence d’une situation. Un tel recours n’était pas utilisé à la légère, car il était mal vu et il pouvait être difficile de faire appliquer des décisions qui n’avaient pas fait l’objet de l’exercice de la vérification. La situation changea à l’occasion des Guerres de religion. À cette occasion, l’expression « pouvoir absolu » changea de signification, pour désigner la plénitude du pouvoir royal, le fait que le roi n’avait de comptes à rendre à personne et n’était lié par aucune loi. Deux grands facteurs ont favorisé cette évolution. D’abord, la longueur des guerres civiles, s’étendant sur près de quarante années. L’état d’urgence presque permanent engendré par cette situation a brouillé les frontières entre l’idée que le pouvoir absolu était un pouvoir d’exception et l’idée qu’il était une réalité permanente. Ensuite, la déchirure religieuse a remis en cause l’idée que la sagesse du gouvernement puisse être partagée par un grand nombre de magistrats. Ce que nous appelons aujourd’hui « l’absolutisme » peut être daté du règne de Charles IX où, de manière plus conservatrice, du règne de Henri IV et du traité de Nantes, où le roi s’impose comme arbitre des conflits religieux.

Le Prince absolu examine l’évolution de la monarchie absolue au cours du XVIIe siècle. Au début du XVIIe siècle, le débat sur la puissance absolue du souverain porta, non seulement en France mais aussi en Angleterre et en Espagne, sur les implications de la sacralité du roi. Recevait-il son pouvoir directement de Dieu ou par l’intermédiaire du pape ? Louis XIII trancha radicalement le débat en interdisant de débattre de la nature du pouvoir royal, pas même en sa faveur. La réflexion politique porta alors sur les motifs de l’obéissance et la part de liberté qu’il restait lorsque l’obéissance absolue était accordée. Ces réflexions contribuèrent à dissocier le domaine politique du domaine éthique. Entretemps, la délégation par le roi des affaires du gouvernement à des ministres contribua à dissocier l’État (mystérieux, incarné dans le roi, sacré) du gouvernement (technique, professionnel, sécularisé). Même l’opposition au roi absolu tendait à changer de forme, se portant sur les décisions plutôt que le pouvoir ou se faisant au nom de l’efficacité du service du roi. La dernière partie de l’ouvrage examine le règne de Louis XIV. Ce dernier, bien qu’il incarna la monarchie absolue de manière symbolique et pratique, mit aussi en place les conditions de son déclin. En voulant gouverner seul, il s’exposa à la critique comme un vulgaire ministre ; en révoquant l’édit de Nantes, il priva le monarque de son rôle d’arbitre des religions et du mystère qui l’entourait. Le XVIII siècle serait le siècle du despotisme éclairé plutôt que de l’absolutisme, le pouvoir sécularisé s’exposant de plus en plus à la critique des philosophes.

On trouvera des résumés plus détaillés dans mes comptes rendu, publiés dans Les Cahiers d’histoire

Le Pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, 2013, dans le volume 33, numéro 1, 2014, pages 195-198.

Le Prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, 2014, dans le volume 34, numéro 2, 2017, pages 189-191.