Dans un ouvrage classique de méthodologie en sciences sociales, le sociologue Howard S. Becker employait l’expression « ficelles du métier » pour désigner un ensemble de méthodes aidant à bien travailler en sciences sociales. Il y précise qu’une « ficelle » n’a pas pour objectif de rendre le travail forcément plus « facile », mais d’augmenter sa qualité ou débloquer des situations. Les ficelles du métier se présente ainsi surtout comme une « boîte à outil » où le lecteur pige des réflexions à adapter à sa recherche selon les circonstances et délaisse celles qui lui semblent superflues. C’est le type de manuel de méthode qu’on aimerait voir plus souvent .
Je profite de l’expression pour extraire ici une citation de l’ouvrage Du temps de Norbert Elias dont on peut extraire une « ficelle » contre-intuitive. Il y suggère que la manière dont la langue fixe certains mots n’est pas forcément la plus appropriée pour réfléchir au concept se cachant derrière le mot. Ainsi, le temps pourrait être vu, non comme une chose, mais comme une action:
Toute réflexion sur le problème du temps est entravée par la forme de substantif revêtue par ce concept. Comme je l’ai montré ailleurs, penser et s’exprimer à l’aide de substantifs réifiants est une convention qui peut rendre considérablement plus difficile la perception du nexis des événements. […] Il en va de même du concept de temps. S’il existait en allemand sous une forme verbale, du genre zeiten (« temporer ») sur le modèle de l’anglais timing, on n’aurait pas de peine à comprendre que le geste de « consulter sa montre » a pour but de mettre en correspondance (de « synchroniser ») des positions au sein de deux ou plusieurs séquences d’événements.
Bibliographie
La référence que j’aurais dû lire mais n’ai pas lu pour ce billet:
Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie?, 1970. Voir ici.