Littérature et solidarité

La brève d’aujourd’hui reprend l’introduction du livre de Richard Rorty sur Contingences, ironies et solidarité, que j’ai déjà cité ici. Il s’agit cette fois d’une esquisse sur la manière dont la littérature peut aider à construire la solidarité humaine.

Pour en venir à voir d’autres êtres humains comme « des nôtres », plutôt que des « eux », il faut une description minutieuse de ce à quoi ressemblent ces êtres qui nous sont peu familiers et une redescription de ce à quoi nous-mêmes nous ressemblons. C’est une tâche qui relève, non pas de la théorie, mais de genres tels que l’ethnographie, le reportage journalistique, l’ouvrage comique, la dramatique documentaire et, surtout, le roman. Des fictions comme celles de Dickens, d’Olive Schreiner ou de Richard Wright nous livrent des détails sur les genres de souffrances qu’endurent des gens auxquels nous n’avions précédemment pas prêté attention. Des fictions comme celles de Choderlos de Laclos, Henry James ou Nabokov nous renseignent sur les formes de cruauté dont nous sommes capables et, ce faisant, nous permettent de revoir notre description. C’est pourquoi le roman, le cinéma et la télévision ont lentement mais sûrement remplacé le sermon et le traité en tant que principaux vecteurs du changement moral et du progrès. 1

Contrairement à beaucoup d’autres auteurs, Rorty n’essaie pas de proposer des romans édifiants, à caractère moraliste. Pour lui, c’est la description de la nature humaine qui aide à la compréhension et, en bout d’analyse, à la construction de la solidarité humaine. En un sens, ce qu’il propose ici rappelle cet extrait sur la transformation de Victor Hugo, que j’ai tiré d’un livre de Noiriel, lui-même grand lecteur de Rorty.

Notes

1Richard RORTY, Contingence, ironie et solidarité (Paris: A. Colin, 1993), 17.

Brève de la Saint-Jean-Baptiste

Je ne cherche généralement pas à coller à l’actualité ou au calendrier pour mes billets. Le rythme nuit à la réflexion. Mais hier soir, j’ai terminé la lecture de La route du Pays-Brûlé, de Jonathan Livernois, le dernier-né de la collection Documents, dont on peut lire une critique ici
En page 45, un chapitre commence par la phrase suivante : « Quand on veut connaître l’état du Québec à un moment précis de son histoire, il peut être opportun de s’attacher à ses célébrations de la Saint-Jean-Baptiste. » 
Suivent quelques exemples.
Le livre se termine ainsi (p.69) :
Le patriotisme renouvelé, prospectif et attentif aux autres plus qu’aux drapeaux pourrait combler ce besoin criant : se voir tel qu’on a été et tel qu’on pourrait être. Et apprendre à connaître le chemin entre les deux, en discutant, en faisant des plans, en réinvestissant des lieux propices à l’éclosion de l’imaginaire. Quel sera votre Québec? Ce pourrait être le thème de la Saint-Jean-Baptiste 2016. 
Est-ce un hasard si ma lecture coïncide bien avec le calendrier? Sans doute pas. Les livres de la collection Document sont toujours brefs et se lisent dans le temps de le dire. Et celui-ci, qui parle de patriotisme et de Saint-Jean, est paru quelques semaines avant la Saint-Jean. Juste le temps qu’on le lise avant de fêter.
Quoi qu’il en soit, je le prends au mot. Bonne Saint-Jean-Baptiste! Fêtez le Québec que vous voulez faire pour les gens de cœur qui vous entourent.