Pour expliquer leur métier, les historiens aiment le comparer à d’autres métiers et filer la métaphore. Quoiqu’il en soit, comme je rencontre parfois, dans mes lectures, ces métaphores, il m’est venu l’idée de faire un nouveau type de brèves, qui collecte, quand je les rencontre, ces métaphores qu’on donne du métier d’historien. Suivant le modèle de l’artisan, aujourd’hui je transcrirai un passage de l’historien de la culture Carl E. Schorske, qui dépeint l’historien en tisserand. À partir de cette image, il traduit non seulement l’activité de l’historien (notamment l’historien de la culture, mais aussi sa vision des rapports interdisciplinaires).
L’historien cherche […] à interpréter l’oeuvre dans le temps et à l’inscrire à la croisée de deux lignes de force: l’une, verticale, diachronique, par laquelle il relie un texte ou un système de pensée à tout ce qui les a précédés dans la même branche d’activité culturelle – peinture, politique, etc. -, l’autre, horizontale, synchronique, qui aide l’historien à déterminer le contenu de la production culturelle à la lumière de ce qui se fait dans d’autres domaines à la même époque. Le fil diachronique est la lisse, le synchronisme est la trame dans le tissu de l’histoire de la culture. L’historien est le tisserand, mais la qualité du tissu dépend de la solidité des fils et de la teinture. L’historien doit donc se renseigner sur les techniques de tissage auprès des disciplines spécialisées, dont les représentants ont en réalité renoncé à prendre l’histoire comme principal mode d’explication, mais savent mieux que lui ce qui, dans leur métier, est un fil solide et une bonne teinture. Le tissu de l’histoire ne sera certes pas aussi fin que le leur, mais, s’il reprend leurs procédés de fabrication, il obtiendra un fil d’assez bonne qualité pour le type de canevas qu’il est requis de produire1.
Note:
1Carl E SCHORSKE, Vienne fin de siècle: politique et culture [1961] (Paris: Seuil, 2017), 29.
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