Je n’aurai pas le temps de livrer le billet que je souhaitais écrire pour aujourd’hui, alors en attendant, je livre, en complément du billet de la dernière fois, une citation de Johann Chapoutot sur les suites de la Grande Guerre. J’avais évoqué dans le dernier billet l’importance que l’expérience de la violence de la guerre avait joué dans l’émergence du fascisme italien, en tant que catalyseur du nationalisme et vécu intime de la violence. Cette expérience fut vécue par tous les participants de la guerre, particulièrement en Europe. Dans Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe, Chapoutot s’attarde un moment sur cette expérience, avec quelques citations très évocatrices de sources, pour montrer à la fois la banalisation de la violence et de la mort violente et la glorification du soldat et de la mort violente de celui-ci. Au terme de ces développements, Chapoutot évoque les suites de la guerre, avec d’anciens combattants souvent incapables de s’adapter à la paix.
Le retour à la vie civile, la difficulté pour les anciens combattants de revenir à une économie et à une société de paix vont en conduire beaucoup, après 1919, à célébrer la guerre malgré tout et à tenter de retrouver, dans des organisations paramilitaires diverses, ce sentiment d’appartenance à la vie et à la mort éprouvé dans la boue et le feu des combats. Le cas d’Adolf Hitler n’est, de ce point de vue, pas une exception. Hitler a enduré, souffert et vécu la peur et les blessures du combattant moyen. Mais il a trouvé dans son régiment une fraternité que le jeune bohème autrichien orphelin et en rupture de ban n’avait jamais éprouvée auparavant. La construction d’un parti nationaliste, belliciste et paramilitaire fut un moyen pour lui et bien de ses semblables de retrouver, dans un monde civil qui leur était désormais étranger, cette communauté du combat, fondatrice d’un entre-soi qui conjurait la solitude d’une existence sociale marquée par la déliaison.1
Pour méditer les conséquences de cet apprentissage de la violence qu’on ne peut laisser derrière soi, je vous laisse sur les paroles plus légères de Georges Brassens.
Note
1CHAPOUTOT, Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe, 1918-1945, 53.