Je ne m’étendrai pas beaucoup sur le sujet cette semaine. Je partagerai simplement deux extraits montrant la participation du sultan ottoman à la culture européenne de la Renaissance.
Curieusement, deux des monarques les plus intéressés par les nouvelles formes de culture régnaient dans ce qu’on pourrait aisément qualifier de périphérie de l’Europe : à Istanbul et à Buda. Mehmet le Conquérant, le sultan qui prit Constantinople, ne rejetait pas la tradition antique. Il avait coutume de se faire lire des textes classiques par un Italien, Cyriaque d’Ancône. Il aimait particulièrement Tite-Live, comme ses contemporains Alphonse V d’Aragon et Charles le Téméraire. En dépit de l’interdit officiel de l’islam sur l’art figuratif, le sultan invita Gentile Bellini à Istanbul pour peindre son portrait, et en commanda d’autres à des artistes turcs. Les centres d’intérêt de Mehmet n’avaient probablement guère d’écho hors des cercles de la cour. Mais, au début de la Renaissance, c’était le cas partout en Europe occidentale, même en Italie .
Si on veut se convaincre davantage encore de la participation du sultan ottoman à la culture européenne, on peut regarder trois générations plus tard, à l’époque de l’affrontement de Soliman et Charles Quint. En dehors de l’affrontement strictement militaire, qui a des sources économiques et stratégiques, l’affrontement fut également symbolique. Mais pour qu’il le soit, il fallait qu’ils partagent au moins quelques références. Gilles Veinstein résume la question en quelques lignes :
La rivalité entre Ottomans et Habsbourg est alors à son paroxysme : au-delà de la domination sur la Hongrie, elle porte sur l’héritage impérial et donc sur la prétention à la domination universelle. Le sultan n’admet pas que Charles Quint se fasse couronner empereur et son frère roi des Romains, puisqu’il se juge seul candidat légitime à la souveraineté suprême. Dans ces conditions, c’est spécifiquement contre Charles Quint, lequel s’était présenté comme le champion de la « guerre turque » à la diète de Ratisbonne en avril 1532, que sera dirigée la quatrième campagne de Soliman en Europe, désignée dans la tradition ottomane comme la « campagne d’Allemagne contre le roi d’Espagne » .
Bibliographie
Référence que j’aurais dû lire, mais n’ai pas lue pour écrire ce billet :
Chastel, André, « La Renaissance italienne et les Ottomans », dans Agostino Pertusi (dir.), Venezia e l’Oriente, Florence, 1966.